Le 14 janvier dernier s’est déroulée, à la MPAA (Maison des Pratiques Artistiques Amateurs), une rencontre pas si singulière que cela autour de Jean-Paul Alègre. Dans sa dernière édition (Avril 2017) Théâtre & Animation est revenu sur cette manifestation. L’occasion nous est donné de reproduire l’article et l’interview de T&A, d’y ajouter la vidéo hommage projetée lors de cet événement.

Une singulière rencontre : Jean-Paul Alègre, un point de vue, partial, forcément…

Le samedi 14 janvier se déroulait, à la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs Saint Germain (MPAA), un nommage rendu à Jean-Paul Alègre.

Un montage réuni par Christophe Lesage, président de I’Union Régionale Ile-de-France de la FNCTA, permettait aux amis comédiens, auteurs metteurs en scène, d’adresser un clin d’œil affectueux et des hommages émouvants à l’auteur le plus joué par les amateurs. Le montage s’ouvrait par la production vidéo du Théâtre des Quatre Saisons puis venaient- je ne les citerai pas tous – les messages de Guy Foissy. d’Israël Horowitz, de Michel Azama, d’Hidehiko Yuzaki Gouverneur d’Hiroshima de sa traductrice japonaise Masako Okada et de multiples personnalités qui toutes ont mis en avant son talent d’écrivain, son humanisme et sa grande générosité.

Bien sûr des extraits de ses œuvres ou des pièces courtes ont été donnés : Deux tickets pour le paradis Cie Envie Théâtre (77), La gourmandise Cie Voix de Scène (78) et Les explorateurs.

Une mention particulière, sans rien enlever aux autres compagnies invitées sur le plateau, pour cette troupe de jeunes Cie Jean-Louis Vidal Jeune Théâtre, qui a joué cette courte pièce extraite de La ballade des planches avec fraîcheur, talent et conviction.

A 19 heures nous retrouvions Moi Ota rivière d’Hiroshima par la Cie TA58 (Suisse) Texte que nous avions lu en première mondiale à Narbonne et découvert lors du 34e festival national de Narbonne en 2016 par cette même troupe. La représentation en salle a donné encore plus de force à ce texte émouvant.

Auparavant les deux maîtres de cérémonie, Suzy Dupont et Christophe Lesage avaient imposé, avec quelque malice, un exercice difficile pour un débatteur prolixe et amoureux de la langue : donner en quinze minutes un discours imposé par une vingtaine de mots affichés sur le fond de scène. Homme d’expérience – j’allais écrire vieux renard mais vieux ne convient pas à cet adolescent quinquagénaire – il s’est tiré avec brio, intelligence et émotion de cet exercice qui aurait pu être convenu mais qu’il a transformé avec humour en déclaration d’amour pour le théâtre, les théâtreux et le genre humain.

Guy Michel Carbou
Article paru dans T&A n° 158 Avril 2017

Retrouvez ci-dessous l’interview de Jean-Paul Alègre réalisé par Patrick Schoenstein pour « Théâtre & Animation ».

TA : Depuis de nombreuses années vous êtes l’auteur vivant le plus joué en France par les troupes de théâtre amateur. A quoi attribuez-vous cet état de fait ?

JPA : Il est difficile de répondre à cette question Cette fidélité incroyable des compagnies d’amateurs me touche énormément, mais je ne réussis pas vraiment à savoir pourquoi elles sont ainsi attachées à mes textes Ce qui est certain, c’est que, contrairement à ce qui est parfois avancé, je n’écris absolument pas « pour les amateurs ». Quand j’écris une pièce, je ne me pose pas la question de qui va la jouer Et je dis souvent qu’il n’y a pas de spectateur amateur ou professionnel. J’écris pour le spectateur Et pour le toucher je dois impérativement passer par une équipe qui va porter mes mots sur les planches C’est cela, la magie du théâtre, et ce qui importe, in fine, c’est la passion Et elle est tellement présente dans les compagnies d’amateurs !

TA : Par ailleurs, quoique que vous soyez beaucoup joué – et avec succès – par le théâtre amateur, vous êtes relativement absent de la scène professionnelle et notamment de la scène institutionnelle Pensez-vous qu’il y a un rapport entre ces deux choses et que nous touchons là un de ces nombreux clivages plus ou moins avoués entre amateurs et professionnels ?

JPA : C’est une remarque très pertinente. Là-aussi, il y aurait une vraie analyse à pratiquer. Avez-vous remarqué que, si on prend année après année la liste des auteurs les plus joués par les compagnies d’amateurs, ce sont toujours des auteurs quasiment absents de la scène institutionnelle ? Pour ma part, c’est frappant, en effet. Par contre, à l’étranger, où j’ai la chance d’être beaucoup joué, l’équilibre est totalement respecté.

Chez les amateurs, ce qui compte, c’est le spectacle et le public

J’avance l’hypothèse que les responsables des milieux institutionnels, subventionnés, sont à la recherche d’expériences qui les démarquent les uns des autres. On veut découvrir «son» auteur. Chez les amateurs, ce qui compte, c’est le spectacle et le public. Dans l’institution, c’est souvent, pas toujours soyons justes, l’image qu’on va se faire du créateur, le metteur en scène, en fonction du parcours, le plus original possible, qu’il va accomplir sur un texte, qui est parfois un prétexte. Et puis être beaucoup joué par les amateurs, c’est, par définition, être proche du terrain. Et on n’aime pas trop le terrain dans l’institution. Le mot «populaire», pourtant revendiqué par Vilar et tant d’autres, y est devenu péjoratif. Ceci dit les choses changent, et je vois arriver de jeunes directrices (enfin) et directeurs de lieux, qui seront plus ouverts à toutes les écritures.

TA : Cependant, vous avez toujours tiré vos moyens d’existence de l’écriture théâtrale, ce qui est assez rare dans ce milieu ?

JPA : Oui, grâce à vous, en particulier ! Je veux dire, grâce aux centaines de compagnies, qui avec des sommes souvent modestes au niveau des droits, finissent par me permettre d’assurer un revenu constant, régulier année après année. Je dois également cela à la fidélité de mon éditeur L’Avant-Scène Théâtre, qui a publié tous mes textes, et a permis qu’ils soient accessibles facilement, en France comme dans les quarante pays où je suis joué. Au Togo comme au lapon, à Madagascar comme en Ukraine, il y a toujours l’élément déclencheur d’un livre que l’on découvre dans un centre culturel, une bibliothèque, à l’institut français, à l’ambassade …

TA : Quand on lit votre œuvre et lorsqu’on vous connaît un peu, apparaissent un certain nombre de valeurs : l’écoute, la gentillesse, l’humanité, la famille… N’avez-vous pas le sentiment d’être à contre-courant du monde dans lequel on vit et plus particulièrement de ce qui nourrit en général l’œuvre de vos confrères à savoir la duplicité, le désespoir, le mal être, la noirceur ?

JPA : Merci pour ces qualificatifs. C’est vrai que je les revendique, en quelque sorte. J’utilise souvent cette formule « le véritable humanisme est tout simplement l’affectueuse curiosité de l’autre ».

j’ai choisi le théâtre parce que c’est le lieu où l’on ne peut pas faire l’économie de l’autre

Je ne sais pas si je suis à contre-courant, donc, mais je sais que mon théâtre reflète ce désir d’aller vers les autres, même si parfois, il y a aussi une certaine noirceur dans mes pièces, disons plutôt une mélancolie Mais de manière générale, c’est vrai, j’aime bien que l’acte théâtral soit plutôt porté par l’humour et la poésie. Je dis aussi fréquemment que j’ai choisi le théâtre parce que c’est le lieu où l’on ne peut pas faire l’économie de l’autre. Et par les temps qui courent, je crois fortement que cette spécificité du spectacle vivant est une arme formidable contre les obscurantismes Une arme modeste, certes, et qui peut paraître dérisoire Mais elle est tellement multipliée, et l’action de ces centaines de compagnies y contribue, qu’elle peut devenir une véritable force. Alors, gentillesse, oui, mille fois oui, mais une gentillesse de combat.

TA : Vous avez assuré des fonctions de responsabilité aussi bien à la SACD qu’aux Ecrivains Associés du Théâtre (EAT), quel regard portez-vous sur la place de la culture (et par conséquent du théâtre) dans notre pays ?

JPA : Je prends plaisir à dire que, pendant plus de quinze ans, j’ai été un des dirigeants de la petite république des auteurs. C’est une de mes grandes fiertés. Aux EAT c’était un combat avec des moyens artisanaux pour faire mieux connaître les écritures d’aujourd’hui.

soyons particulièrement attentifs à rappeler toujours, toujours, aux élus et aux citoyens, qu’une culture libre est le garant d’une vraie démocratie

A la SACD, c’était la continuité de cet engagement avec les moyens très importants d’une grande maison, avec des salariés formidables. J’ai adoré ces expériences. Par ailleurs je me suis beaucoup impliqué dans la défense des auteurs touchés par la maladie, la précarité, en présidant la Fondation Paul Milliet, reconnue d’utilité publique. J’ai donc vu fonctionner de l’intérieur les mécanismes du spectacle vivant dans notre pays. Et je suis relativement optimiste, à la condition que nous soyons particulièrement attentifs à rappeler toujours, toujours, aux élus et aux citoyens, qu’une culture libre est le garant d’une vraie démocratie.

TA : Pour nos lecteurs, deux scoops :
Sur quelle pièce travaillez-vous en ce moment ?
Que devient la famille Alègre (votre épouse, vos enfants) que nos lecteurs ont souvent rencontrés dans nos manifestations ?

JPA : A l’heure actuelle, et c’est vraiment un scoop, je suis sur deux projets une pièce pour le jeune public, qui ferait partie d’une collection où divers auteurs donneraient vie à des personnages identiques, que l’on suivrait d’histoire en histoire, et une nouvelle pièce épistolaire, genre que j’aime beaucoup et que j’ai déjà pratiqué avec Lettres croisées et Côté Courtes. Pour ce qui est de ma famille, c’est vrai qu’elle est intimement liée à ma carrière d’auteur, et c’est sympathique de le rappeler. Je me suis longtemps déplacé avec mes enfants et ils connaissent très bien la carte de France des festivals et des compagnies. Maintenant, évidemment, c’est plus compliqué, car Marion est greffier d’instruction au Tribunal de grande instance de Paris, Marine, diplomate, est chef de cabinet de l’ambassadeur de France en Tunisie, et Mathieu court après les pelotes sur les frontons dans le Sud-Ouest, et il est champion de France de sa discipline. Quant à Annick, mon épouse, vous savez à quel point elle est importante dans ma carrière et elle se déplace toujours avec moi, au grand bonheur des compagnies et des festivals, je crois pouvoir le dire, puisqu’elle y a noué de solides amitiés, ce qui, la boucle est bouclée, apporte peut- être une des réponses à votre première question sur le fait que je sois tellement joué par les compagnies de votre fédération

Propos recueillis par Patrick Schoenstein
Interview paru dans T&A n° 158 Avril 2017

Pour en connaitre un peu plus sur Jean-Paul Alègre, retrouvez ci-dessous une série de vidéos réalisées par theatre-contemporain.net mettant en avant un auteur et son oeuvre …

La découverte du théâtre

Comment avez-vous découvert le théâtre ?

Le contexte menant à l’écriture

Dans quelles mesures vos études mais aussi vos lectures, vos rencontres, les hasards, vous ont conduits à écrire du théâtre ?

L’écriture au jour le jour

Comment s’inscrit cette activité dans votre rythme de vie professionnel et/ou personnel ?

L’appropriation du texte

Quel est votre rapport à vos textes en scène ? (Vous sentez-vous souvent trahi ou au contraire découvrez-vous plus de richesses dans vos textes mis en scène.)

Moi, Ota, rivière d’Hiroshima

Jean-Paul Alegre évoque l’origine de l’écriture de sa pièce.

Jean-Paul Alègre évoque les thèmes et les enjeux de son texte.

Lettres croisées

Jean-Paul Alegre évoque l’origine de l’écriture de son texte.

Jean-Paul Alègre présente les personnages de sa pièce et sa structure.

Retrouvez toutes les informations sur Jean-Paul Alègre sur Théâtre-contemporain.net

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